Les poèmes surréalistes inspirés :

Paul Eluard, Capitale de la douleur (1926)

L'Amoureuse

Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
Auguste Rodin, La Cathédrale 1909


Lecture analytique :

-CL corps humain
-anaphore Elle : sa muse
-omniprésence de son amour
-le poète voit sa muse à travers lui-même constamment
-domaine de l'imaginaire


Poème illustre surréalisme :

-imagination de sa muse
-subconscient du poète qui voit l'amour partout

Mes appréciations sur le poème :


-se lit rapidement (octosyllabe)
-expression simple, mais facile à comprendre
-réflexion sur le Elle



Aragon, Le Fou d'Elsa (1963)

Paul Delvaux, La Joie de vivre 1938

Les Lilas

Je rêve et je me réveille
Dans une odeur de lilas
De quel côté du sommeil
T’ai-je ici laissé ou là ?

Je dormais dans ta mémoire
Et tu m’oubliais tout bas
Ou c’était l’inverse histoire
Etais-je où tu n’étais pas?

Je me rendors pour t’atteindre
Au pays que tu songeas
Rien n’y fait que fuir et feindre
Toi tu l’as quitté déjà.

Dans la vie ou dans le songe
Tout a cet étrange éclat
Du parfum qui se prolonge
Et d’un chant qui s’envola!

O claire nuit jour obscur
Mon absente entre mes bras
Et rien d’autre en moi ne dure
Que ce que tu murmuras!

Lecture analytique :

-4 strophes
-quatrains
-rimes croisées avec récurrence de la sonorité "a" au deuxième et dernier vers de chaque strophe
-enjambements
-mélodie : chanson

-femme aimée inaccessible : différentes négations, oppositions
-inversement des pronoms "je" "tu"
-antithèses
-absence de frontière entre monde sommeil et réalité


Poème illustre le surréalisme :

-femme imaginaire, inaccessible
-confusion réel et songe


Mes appréciations sur le poème :

-fredonne air, comme chanson
-impression de retrouver forme de lyrisme
-perçois femme comme fantôme, fruit de l'imagination du poète








Eluard, Capitale de la douleur (1926)


La Courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
                             Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu

C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

                          Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,

Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

                         Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Et tout mon sang coule dans leurs regards.
Francis Picabia, Optophone II, 1922-24



Lecture analytique :

-récurrence des courbes, du cercle : image de la femme ronde avec des formes
-poème circulaire premier vers correspond au dernier vers : dans la continuité
-relation passionnelle entre poète et femme
-poème centrée sur les yeux
-merveilleux, univers enchanté grâce aux comparaisons et métaphore de la femme

Poème illustre mouvement surréaliste : 

-transport dans un monde imaginaire merveilleux
-femme objet d'admiration et de songes

Mes appréciations sur le poème :

-rêves enfantins de prince charmant
-univers magnifique et passionnel d'un amour





Aragon, La Diane française (1946)

Il n'y a pas d'amour heureux


Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
                  Ni sa faiblesse ni son coeur. Et quand il croit 
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce         
Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
                       Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
                                Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
                   Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent          
Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
                Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare        
  Il n'y a pas d'amour heureux

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
                    Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs 
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux         


Poème illustre surréalisme :

-libération de l'expression, pas de soucis moral : amour ne peut être heureux




Desnos, A la Mystérieuse (1926)

A la faveur de la nuit

Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit.
Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre.
Cette ombre à la fenêtre c'est toi, ce n'est pas une autre, c'est toi.
N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s'ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement
la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s'ouvre: ce n'est pas toi.
Je le savais bien.


Lecture analytique :

-ombre, nuit : comme fantôme sensation de rêve irréalité
-espoir de voir son amour pour le poète anéanti à l'avant dernier vers : "la fenêtre s'ouvre : ce n'est pas toi."
alors que début du poème certain de la réalité
-seulement imagination du poète


Poème illustre surréalisme :

-imaginaire, rêveries loin de la réalité

Mes appréciations sur ce poème :

-solide espérance d'apercevoir l'être aimé du poète puis rupture de cette espérance à la fin du poème : surprise sur dernier vers : court (5 syllabes)