V. Hugo, Les Feuilles d'automne (1831)
Soleils couchants
Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Tous ces jours passeront; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde, immense et radieux !
Avril 1829
Victor Hugo, Souvenir des Vosges, Bourg de Hugo, tête d'aigle, 1850 |
Lecture analytique :
- 4 strophes
-alexandrins
-rimes croisées
-contraste entre le paysage et le temps qui passe
-CL nature, CL temps
-antithèse : "Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux" = nature éternelle, contre vieillesse humaine
-intrusion "je" dernière strophe : expression des sentiments personnels, subjectivité
-mélancolie du temps qui file
Poème illustre le Romantisme :
-paysage éternel
-mélancolie, sentiments exprimés par le biais de la nature
-réflexion sur sa propre place dans le monde
-subjectivité, impressions personnelles
Mes appréciations sur le poème :
-ne parle pas d'amour, change des clichés romantiques
-contraste du vieillissement de l'homme et de l'éternelle jeunesse de la nature
-réflexion sur la minuscule place qu'occupe un homme dans l'univers : "Sans que rien ne manque au monde"
G. de Nerval, Les Chimères (1854)
Myrtho
Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse,
Au Pausilippe altier, de mille feux brillant,
À ton front inondé des clartés d’Orient,
Aux raisins noirs mêlés avec l’or de ta tresse.
C’est dans ta coupe aussi que j’avais bu l’ivresse,
Et dans l’éclair furtif de ton œil souriant,
Quand aux pieds d’Iacchus on me voyait priant,
Car la Muse m’a fait l’un des fils de la Grèce.
C’est qu’hier tu l’avais touché d’un pied agile,
Et de cendres soudain l’horizon s’est couvert.
Lecture analytique :
-4 strophes
-alexandrins
-2 premières strophes de 4 vers, 2 dernières strophes de 3 vers
-2 premières strophes : rimes embrassées
-opposition clarté/obscurité
-introduction du monde grec : terre des muses
-mythe féminin, Myrtho inspiratrice du poète
-thème nature : CL végétation
-intrusion de la mythologie
Poème illustre le Romantisme :
-exprime un sentiment : admiration
-prédominence de la nature
-présence de subjectivité "je"
-passion inspiratrice
Mes appréciations personnelles :
-entrée dans la mythologie, nouveauté pour moi en matière de poèmes
-admiration, pouvoir et autorité de la femme
-idée de Muse intéressante, une femme guide le poète
|
V.Hugo, les Contemplations (1856)
Les femmes sont sur la terre
Les femmes sont sur la terre
Les femmes sont sur la terre
Pour tout idéaliser ;
L'univers est un mystère
Que commente leur baiser.
C'est l'amour qui, pour ceinture,
A l'onde et le firmament,
Et dont toute la nature,
N'est, au fond, que l'ornement.
Tout ce qui brille, offre à l'âme
Son parfum ou sa couleur ;
Si Dieu n'avait fait la femme,
Il n'aurait pas fait la fleur.
A quoi bon vos étincelles,
Bleus saphirs, sans les yeux doux ?
Les diamants, sans les belles,
Ne sont plus que des cailloux ;
Et, dans les charmilles vertes,
Les roses dorment debout,
Et sont des bouches ouvertes
Pour ne rien dire du tout.
Tout objet qui charme ou rêve
Tient des femmes sa clarté ;
La perle blanche, sans Eve,
Sans toi, ma fière beauté,
Ressemblant, tout enlaidie,
A mon amour qui te fuit,
N'est plus que la maladie
D'une bête dans la nuit.
Caspar David Friedrich - Frau vor untergehender Sonne, 1818 |
Lecture analytique :
-7 strophes
-quatrains
-heptasyllabes
-rimes croisées
-personnification de la nature afin de représenter la femme
-éloge de la femme
-CL de la séduction, de la beauté
-rupture à la dernière strophe : univers sans femmes = chaos
-rimes en "i" assonance, dernière strophe harmonie imitative
Poème illustre le Romantisme :
-paysage état d'âme : personnification de la nature
-oser l'heptasyllabe (vers impair) : montrer sa rupture avec le classicisme
-éloge de la beauté : liberté d'exprimer ses sentiments
Mes appréciations sur le poème :
-étant une femme : totalement en accord avec ce qui est écrit
-longtemps méprisées les femmes sont au pouvoir dans ce poème
-ce poème reconnait enfin l'importance des femmes dans la société
Louise Labé, Sonnets (1555)
Tant que mes yeux pourront larmes épandre
Tant que mes yeux pourront larmes épandre
A l'heur passé avec toi regretter,
Et qu'aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre ;
Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard luth, pour tes grâces chanter ;
Tant que l'esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre,
Je ne souhaite encore point mourir.
Mais, quand mes yeux je sentirai tarir,
Ma voix cassée, et ma main impuissante,
Et mon esprit en ce mortel séjour
Ne pouvant plus montrer signe d'amante,
Prierai la mort noircir mon plus clair jour.
(poème bien plus âgé que l'époque Romantique, mais classé dans le mouvement tout de même)
Alfred de Musset, Poésies nouvelles (1850)
Non, quand bien même une amère souffrance
Non, quand bien même une amère souffrance
Dans ce coeur mort pourrait se ranimer ;
Non, quand bien même une fleur d'espérance
Sur mon chemin pourrait encor germer ;
Quand la pudeur, la grâce et l'innocence
Viendraient en toi me plaindre et me charmer,
Non, chère enfant, si belle d'ignorance,
Je ne saurais, je n'oserais t'aimer.
Un jour pourtant il faudra qu'il te vienne,
L'instant suprême où l'univers n'est rien.
De mon respect alors qu'il te souvienne !
Tu trouveras, dans la joie ou la peine,
Ma triste main pour soutenir la tienne,
Mon triste coeur pour écouter le tien.
Sur mon chemin pourrait encor germer ;
Quand la pudeur, la grâce et l'innocence
Viendraient en toi me plaindre et me charmer,
Non, chère enfant, si belle d'ignorance,
Je ne saurais, je n'oserais t'aimer.
Un jour pourtant il faudra qu'il te vienne,
L'instant suprême où l'univers n'est rien.
De mon respect alors qu'il te souvienne !
Tu trouveras, dans la joie ou la peine,
Ma triste main pour soutenir la tienne,
Mon triste coeur pour écouter le tien.
Lecture analytique :
-4 strophes
-2 premières strophes de 4 vers, 2 dernières strophes de 3 vers
-2 premières strophes : rimes croisées (abab, abab) : musicalité monotone
-2 dernières strophes : rimes (cdc, ccd) nouveau rythme
-CL souffrance
CL amour
CL sentiments
CL innocence
-opposition espérance et mort
-amour impossible
-passion dont souffre le poète
Poème illustre le Romantisme :
- amour et sentiments impossibles témoignent des états d'âmes du poète
-subjectivité
Mes appréciations sur le poème :
-sentiment de tristesse
-compassion avec le poète, presque pitié
-atmosphère nostalgique
V.Hugo, Les Orientales (1829)
L'Enfant
"Ô horror ! horror ! horror !",
W. Shakespeare, Macbeth
Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tète blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tète blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.