Poèmes symboliques inspirés :

Arthur Rimbaud, Poésies (1870-71)


Voyelles



A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :

A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

              Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,

Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles

Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

                   U, cycles, vibrements divins des mers viriles, 
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
               Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
                     Silences traversés des Mondes et des Anges ;
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !



Lecture analytique :

-4 strophes
-2 strophes de 4 vers, 2 strophes de 3 vers
-rimes embrassées

-diversité des voyelles, diversité dans le poème
-inversion des voyelles A E I O U 
-finir par O voyelle noble
-définition des voyelles : personnification des lettres
- jeu de mot O et bleu : o = eau 
-contraste noir/blanc : opposition A et E


Poème illustre le mouvement :

-cherche trouver une connotation, un symbole aux voyelles
-voit plus loin que la réalité, plus que de simples lettres


Mes appréciations sur ce poème :

-poème légèrement enfantin, comme à l'école
-musicalité grâce aux voyelles
-sorte de comptine, amusant




Charles Baudelaire, les Fleurs du mal (1857) 



Spleen


Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;



Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.


Lecture analytique : 

-5 strophes
-quatrains
-rimes croisées

-CL pluie, humidité
-paysage état d'âme : pluie = tristesse du poète
-métaphore de la mort : "corbillards" "nuit" "cloche"
-espoir mort
-ennui, plus envie de rien
-âme vide


Poème illustre le symbolisme :

-Spleen, propre au symbolisme et à Baudelaire : mélancolie sans raison
-pluie retranscrit l'âme
-corbillards annoncent la mort

Mes appréciations sur le poème :

-envahie moi aussi par ce spleen
-poète emporte avec lui dans son monde mélancolique
-parfois moi aussi mal être sans raison



Verlaine, Poèmes Saturniens (1866)

   
                                 Nevermore
Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne
Faisait voler la grive à travers l’air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détonne.
 
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
« Quel fut ton plus beau jour ? » fit sa voix d’or vivant,
 
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
 
— Ah ! les premières fleurs, qu’elles sont parfumées !
Et qu’il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !

Hugues Gillet, Nevermore


Lecture analytique :

-4 strophes
-2 strophes de 4 vers, 2 strophes de 3 vers 
-rimes changent par strophes non par vers
-musicalité du poème

-CL automne : saison souvenir
-souvenir amoureux non douloureux
-exclamations de joie
-CL sensations
-impressionisme : douceur, discrétion flous "bois" 
-poème = tableau


Poème illustre le symbolisme :

-nature, souvenirs comme un tableau : symbole d'un passé amoureux
-saison de l'automne pour remémorer le passé

Mes appréciations sur le poème :

-lecture du poème, transportée monde pictural
-musicalité retranscrite par les rimes


Mallarmé,  Poésies (1899)

Tristesse d'été

Le soleil, sur la table, ô lutteuse endormie,
                 En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux. 

De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux,
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! » 

Mais ta chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.

 Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s’il sait donner au cœur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.


Hugues Gillet, La Vénus endormie







Lecture analytique :

-amour impossible, terminé par fin de l'été 
-CL eau, larmes
-CL amour
-tristesse amoureuse, désillusion



Poème illustre le symbolisme :

-connotation eau, larmes = tristesse amoureuse
-bonheur terminé


Mes appréciations sur ce poème :

-tristesse partagée
-sensation de chaleur avec paysage d'été







Baudelaire, Les Fleurs du mal (1862)
l'Ennemi

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé ça et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées, 
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

_Ô douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

Armand Rassenfosse, L'Ennemi


Lecture analytique : 

-personnification de l'automne : saison de la vieillesse proche de la mort, opposition à jeunesse
-personnification de la pluie : tristesse et désespoir rencontrés au fil de la vie du poète
-Ennemi : mort, vieillesse
-"lavé" des souffrances endurées toute la jeunesse, peut être un renouveau 

Poème illustre le symbolisme :

-symbole saison automne : vieillesse
-pluie et orages : péripéties dans la vie du poète
= plus que la réalité, connotations

Mes appréciations sur le poème :

-illustration montre parfaitement les intentions de l'auteur
-autre soi même, démon intérieur qui ronge au fur et à mesure des années
-à force de déceptions, trop vieux pour "revivre"


Verlaine, Romances sans paroles (1874)

Chevaux de bois 

Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
Tournez cent tours, tournez mille tours,
Tournez souvent et tournez toujours,
Tournez, tournez au son des hautbois.

L'enfant tout rouge et la mère blanche,
Le gars en noir et la fille en rose,
L'une à la chose et l'autre à la pose,
Chacun se paie un sou de dimanche.

Tournez, tournez, chevaux de leur cœur,
Tandis qu'autour de tous vos tournois
Clignote l'œil du filou sournois,
Tournez au son du piston vainqueur !

C'est étonnant comme ça vous soûle
D'aller ainsi dans ce cirque bête
Bien dans le ventre et mal dans la tête,
Du mal en masse et du bien en foule.

Tournez au son de l'accordéon,
Du violon, du trombone fous,
Chevaux plus doux que des moutons, doux
Comme un peuple en révolution.

Le vent, fouettant la tente, les verres,
Les zincs et le drapeau tricolore,
Et les jupons, et que sais-je encore ?
Fait un fracas de cinq cents tonnerres.

Tournez, dadas, sans qu'il soit besoin
D'user jamais de nuls éperons
Pour commander à vos galops ronds
Tournez, tournez, sans espoir de foin.

Et dépêchez, chevaux de leur âme
Déjà voici que sonne à la soupe
La nuit qui tombe et chasse la troupe
De gais buveurs que leur soif affame.

Tournez, tournez ! Le ciel en velours
D'astres en or se vêt lentement.
L'église tinte un glas tristement.
Tournez au son joyeux des tambours !